

Pluri esthétique a souhait, le nouveau spectacle sous chapiteau de Philippe Freslon est une reprise libre et inventive de l'opéra de Ruggero Leoncavallo. Une histoire de jalousie, l'histoire de Nedda partagée entre deux amours, son mari jaloux et trompé, un amant irrésistible au pouvoir maléfique et un amoureux éconduit. Tous les ingrédients de l'opéra sont réunis : de belles voix, une musique omniprésente, tantôt d'un lyrisme exacerbé, tantôt d'une folie déjantée. Mais vole dans cette interprétation, en plus, la poussière de l'élément circassien et la force du théâtre, sans oublier des moments de chorégraphie pure. D'emblée, les spectateurs sont fortement interpelés.
Tout est fait pour les forcer a se demander s'ils regardent une scène ou s'ils appartiennent à une histoire en train de s'écrire. "Soyez en éveil". Un narrateur les désigne comme "chers figurants". De l'extérieur du chapiteau où ils sont accueillis, autour d'une vieille voiture américaine, on les prévient "pour l'heure la piste est déserte". Invitation tacite à contribuer a remplir soi-même cette piste. Seule structure fixe sous chapiteau, la scène des musiciens. Pourtant, le guitariste se mêlera à la foule des badauds que nous sommes, nous, les spectateurs vivant presqu’en direct cette histoire comme un fait divers de rue. Un astucieux comptoir circulaire sur roues sert de piste de danse et son déplacement guide le public vers l'épicentre de l'histoire.
Tout s'embrouille : l'histoire en cours, l'histoire jouée, l'intervention des musiciens et notre déambulation de voyeurs spectateurs. Une caravane, deux voitures, un avion introduiront une dose de folie et de désordre dans la scénographie conduisant les spectateurs à une mobilité permanente, contribuant au rythme soutenu de l'ensemble. L'usage d'une lampe Lumex portative sert à guider ces déplacements parfois hésitants chez le public peu habitué à une scénographie aussi fluctuante.
Stéphane Goni
Actualité de la Scénographie